mercredi 18 février 2015

C'est quoi, un silex ?


Ce serait donc ça ?

J'ai une cicatrice au genou droit.

Je sais pourquoi.
Quoi ? Un caillou.
Quand ? L'été 1957, j'avais 5 ans.
Où  ? A La Ciotat, près de Marseille.

C'est un savoir de seconde main. Cette chute m'a été rapportée. Je ne saurais la situer précisément ni dans l'espace -- sur le chemin de l'hôtel à la plage ? -- ni dans le temps.

C'est un événement que je ne visualise pas.

Cependant, il y un événement connexe mais un peu plus tardif que je revois parfaitement. Comme si, pour moi, toute l'histoire commençait directement au chapitre 2.

Plantons le décor. Ma sœur, ma grand-mère et moi sommes logés dans un hôtel de La Ciotat, une grande résidence avec une tour et des terrasses à balustres. C'est l'après-midi. Ma sœur est dans la chambre, ma grand-mère et moi dans la salle de bains attenante, Elle tente de décoller le pansement qui avait été posé après la chute, pour le remplacer par un propre.

Trois quarts d'heure ! Elle a mis trois quarts d'heure pour décoller ce fichu pansement avec, en fond sonore, mes geignements de douleur. Et plus je me plains, plus ma grand-mère hésite, plus cela ralentit le processus et plus longue est la "torture".

Terrasse de l'hôtel à La Ciotat. De gauche à droite : mon père, moi, ma sœur, ma grand-mère.
Selon toute vraisemblance, nos parents nous avaient rejoints en fin de séjour.
A priori, cette photo a été prise peu après la laborieuse opération rapportée ci-dessus.




Une ou deux semaines plus tard, atelier décollage de pansement sur le divan de la salle à manger à Meudon. Ma mère fait une démonstration à destination de ma grand-mère. Principe de base : ne pas tenir compte des plaintes. On attrape le coin du pansement, on tire d'un coup sec et hop ! Super-Adrienne réussit l'opération en 2 secondes et 5 dixièmes. Le patient n'a même pas eu le temps d'avoir mal et encore moins de le manifester.

Si ma grand-mère a appris quelque chose de cette aventure, moi aussi. J'ai fait la connaissance du mot silex, identité générique du méchant caillou sur lequel j'étais tombé et qui m'avait ouvert le genou. La plupart de mes souvenirs anciens sont liés à l'apprentissage de vocabulaire.

Je me suis vu aussi confirmer ce que je savais déjà. Les techniques pédagogiques de Super-Adrienne -- autoritaire, ne ménageant pas les claques, laissant peu de place à la négociation -- n'avaient rien à voir avec celles de grand-mère Blanche.

Parfois, je me demande si le plus grand traumatisme lié à la maladie de ma mère et à son décès n'est pas là. Comment était-il possible que ma mère se laissât infantiliser pas les infirmières et les médecins de l'hôpital ? Ces gens-là savaient-ils bien qu'ils avaient affaire à Super-Adrienne, la plus forte de toutes les mamans ? Dissonance cognitive, même pour l'adulte de 34 ans que j'étais devenu.

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