mercredi 1 janvier 2014

L'avenue Chardy...encore...parce que..

Parce que c'est la période de mon enfance dont j'ai gardé le meilleur souvenir et que, quoi qu'il arrive, je ne parviendrai jamais à épuiser le sujet..

D'octobre 1957 à juin 1959. Entre 5 et 7 ans.

Mes premiers livres de classe. Mon premier résumé de "Leçon de choses" à apprendre : "La pomme est un fruit à pépins". Terminé. Commentaire amusé de mes parents : "Si tu n'as que ça à apprendre, ça devrait pouvoir aller".

Nos jeux avec notre copain Babacar qui habitait l'appartement situé à l'angle de la rue Lecœur. Nos errances avec lui à travers l'immeuble et aux alentours, dans les cuisines du Pam Pam (dans la cour intérieure de l'immeuble).

Mes courses chez l'épicière syrienne, Rose, à l'angle de l'avenue Gourgas, chez qui je ramenais le verre consigné. Depuis, chaque fois que j'entends des histoires de Toto chez l'épicier, c'est cette boutique que je vois.
Rose avait un bouton sur le visage où poussait un poil. Pardon à cette dame, qui n'avait pourtant rien de particulièrement effrayant ou même disgracieux, mais lorsque j'ai entendu, pour la première fois, la chanson de Charles Trenet, l'Epicière est une Sorcière, c'est à elle que j'ai pensé.
Quand on me posait la question de ce que je voulais faire plus tard, je répondais : "Syrien". Comprendre commerçant ou épicier.

Nos dîners sur la terrasse, à la fraîche.
Avant d'aller au lit, j'embrassais mes parents. Un jour, on m'a demandé pourquoi j'avais plus de plaisir à embrasser ma mère que mon père et j'ai répondu : "Parce que, papa, il a des obstacles". Et oui, les mamans ont toujours la peau plus douce.

La ville. Nous étions en plein cœur du Plateau. La ville, la vie. Rassurante.
Contrairement à notre logement précédent, à Cocody -- où nous étions plutôt isolés, quasiment en bordure de brousse -- où le silence était épais et où j'ai connu quelques terreurs nocturnes, parfois irrationnelles, parfois basées sur des bruits étranges.



Ci-dessus, la version Sketchup de l'appartement de l'avenue Chardy, telle qu'elle apparaît dans la vidéo de cet autre article. En bas à droite, la chambre de nos parents. En haut à droite, la nôtre. Tout en bas, l'amorce de la terrasse.

Avenue Chardy, je m'endormais au cœur de la ville. Et cela me réconfortait. Hors de notre chambre, mes parents continuaient leurs activités. Parfois, des amis avaient été reçus à dîner et les conversations continuaient. Longtemps, j'ai aimé percevoir ainsi la vie, le bruit et le mouvement autour de moi à l'approche du sommeil. Cela m'aidait à m'endormir. J'aimais savoir que les adultes continuaient à faire tourner le monde. Car, oui, mes parents faisaient tourner le monde pour moi, eux, les Géants, les Tout-Puissants, les Immortels, les Parfaits, les Infaillibles.

Quand  je compare mon univers d'alors et celui de l'adulte que je suis devenu, je m'aperçois que le plus sale tour que m'aient joué mes parents, c'est de mourir. Et non, ils n'étaient pas immortels... ni tout-puissants ni l'image de la perfection morale. Et n'importe qui pouvait être parent, même moi. Aucune supériorité ontologique impliquée ; juste une question de temps.

Misère.. Il y avait une arnaque quelque part.
Déjà, quand j'ai commencé à ne plus les regarder en contre-plongée puis à devoir me baisser pour les embrasser, j'ai flairé quelque chose de louche.



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