lundi 23 septembre 2013

L'épopée de Radio-Abidjan (2)

Le palais du gouverneur -- suite 

Le 8 janvier 1951, deux techniciens de Radio Dakar (crée en 1939), Jean Taverdon et Gleize, venant du Sénégal s'installent dans une baraque du stade Géo André (actuel Stade Félix Houphouët Boigny) avec un budget de 60.000 FCFA dans le but de faire démarrer Radio Abidjan.

C'est un mois plus tard, en février 1951 que Radio-Abidjan naît officiellement à l'occasion d'une exposition.

A ma connaissance, les studios sont encore au palais du gouverneur et ce, au moins jusqu'en 1954.

Pour évoquer cette époque, je laisse la parole à Marc Le Guillerme, auteur d'un livre intitulé Conquête Fraternelle en Côte d'Ivoire (1962), dont voici un extrait.

La station de Radio-Abidjan a été inaugurée en 1951, au cours de la première exposition commerciale, pour l'ouverture de la lagune Ebrié.
A cette époque, le studio d'enregistrement, 1,50m.  X 2,50m., était situé dans les locaux de l'émetteur.  Il fallait, raconte Raymond Magniez, actuellement directeur des programmes, il fallait laisser la porte ouverte pour permettre de sortir plus facilement aux changements d'animateurs. Et, quand un chanteur devait être accompagné d'accordéon, il fallait tourner le micro vers la porte, pour permettre aux auditeurs d'entendre la musique...restée dehors.
Depuis 1954, Radio-Abidjan s'est installée dans des locaux que l'on agrandit chaque année...comme on agrandit les programmes.

 


Au centre, Raymond Magniez. A droite, Jean Taverdon.

L'équipe de Radio-Abidjan. Mon père a écrit quelques noms derrière dont je ne garantis
pas l'exactitude : Triffault - Lasenne - Guimault - Gatin
Jean Taverdon, est le deuxième en partant de la gauche.  Raymond est tout à fait à droite.


En janvier 1954, Paul Reynaud, président du conseil, est en visite en AOF. Mon père le reçoit en tant que journaliste de radio.

Photo prise à cette occasion. Le ministre n'y figure pas. On y voit de gauche à droite
mon père Raymond, ma mère Adrienne, une dame que je ne connais pas (Mme Taverdon ?)
et, tout à fait à droite, Jean Taverdon.

La radio organise et/ou retransmet des spectacles musicaux, comme sur cette photo sur laquelle on voit mon père, ma mère à l'accordéon et probablement M. Soldevilla qui chante.



Raymond reçoit des vedettes de la métropole, comme Line Renaud. C'est en 1954, à l'époque de "Toi, ma p'tit' folie".

1954 - Raymond Magniez et Line Renaud


Line Renaud (et Loulou Gasté ?) au premier plan. Au fond, ma mère


Line Renaud dans les locaux de la radio au palais. A droite, ma mère.

Parfois, on est amené à aller faire des "sons" en brousse pour des reportages ou des dramatiques.

L'équipe de Radio-Abidjan s'amuse.  Le personnage à droite semble le même
que sur la première photo de l'article. Serait-ce Gleize ?
A gauche, je crois reconnaître André Lubin, ingénieur du son et Soldevilla.


Pour illustrer la photo ci-dessus, laissons à nouveau la parole à Marc Le Guillerme (op. cit.)

L'équipe des débuts a réalisé des performances pour pallier le manque de moyens techniques à sa disposition. C'est ainsi que, pour l'émission "Paris 2000 ans d'histoire", les bruitages industriels faisaient défaut. Qu'à cela ne tienne ! On enregistra les bruitages du tournoi d'Henri II dans un coin de brousse avec des trots d'hommes, des clefs dans la poche figurant les éperons et un couvercle de fût qui résonnait comme une cuirasse.  Après trois heures de ce travail, il est vrai, les malheureux trotteurs avaient des crampes dans les mollets.

La villa de l'avenue Marchand

On ne sait pas très bien quand Radio-Abidjan a déménagé des sous-sols du palais à la villa de l'avenue Marchand. Peut-être à notre retour de France, à l'automne 1954 ?Ce que je sais, c'est qu'en 1955, dans le rapport de réunion de l'Assemblée Territoriale de Côte d'Ivoire figure la phrase suivante :
Le poste de Radio-Abidjan est maintenant installé dans des locaux corrects comprenant un ensemble climatisé avec studio, salle technique et salle de speakers, enfin une salle de montage, une discothèque et des bureaux.
 Trop jeune pour connaître les précédents, je n'ai connu que ces locaux-là. Ils se trouvaient ici, très probablement dans le carré délimité par l'avenue Marchand, l'avenue Botreau-Roussel, la rue Jesse Owens et la rue Lecœur.


Les locaux de Radio-Abidjan étaient dans l'un des deux
pâtés de maison désignés par une flèche rouge.
L'un ou l'autre, je ne sais pas.

Dans un autre rapport, on peut lire


Au cours du premier semestre 1956 deux nouvelles pièces ont été construites, l'une destinée au secrétariat et régie générale, l'autre à la discothèque définitive, (rapport).
Bref, sous l'impulsion du gouverneur de l'époque, Pierre Messmer (à partir de 54), Radio-Abidjan prend son rythme de croisière, tant au niveau de la durée des programmes que de la puissance de l'émetteur (10 kw) qui permet alors de couvrir l'ensemble du territoire national.  D'ailleurs, l'équipe reçoit régulièrement des rapports de réception venant de bien plus loin.




Rapport reçu en 1955 depuis la Californie.



La radio occupe ces locaux de l'avenue Marchand au moins jusqu'au départ de mon père en 1965

1984 -- Sauf erreur, la maison de la radio, avenue Marchand, est au bout de l'une des deux flèches rouges.
Il est possible qu'à cette époque, le bâtiment de la radio ait déjà été désaffecté ou voué à une autre utilisation. 
.

Reportages sportifs
- boxe

Mon père, M. Soldevilla (?)

Mise à jour du 28/05/2014
Grâce à une lectrice de ce blog, je suis en mesure de donner des précisions sur la photo ci-dessus. Elle a été prise le 7 juin 1956. De gauche à droite, on peut y voir : MM. Dinand (debout) , Magniez, Maunoury, Soldevilla (debout) et Pomes (? pas sûr de l'orthographe).

- catch

Remise de la coupe de catch à Jean Martin par Joséphine Baker - 1961

Ambiance de travail dans les bureaux

Bureaux de l'avenue Marchand. Mon père devant des piles de bandes magnétiques en boites.

On reçoit des artistes en tournée en AOF

Georges Ulmer. Date incertaine. 1958 ?

On pose des questions compliquées à des enfants qui n'en peuvent mais.

C'est moi. On doit être vers 1959 (j'avais 7 ans). La "speakrine" s'appelait
peut-être Mme Vallon mais je n'en suis pas sûr.

Pour comprendre de quoi il est question sur la photo ci-dessus, je vous recommande de visiter le blog de ma sœur qui en a une petite idée, en cliquant ICI. 
Extrait ==>
[...]je n'en n'aurais gardé aucun souvenir si je n'étais tombée il y a quelques années sur une photo de mon frère à l'age de 7-8 ans, pensif devant le micro, réfléchissant sans doute à cette fameuse liste au père Noël devant le regard désemparé de la "speakrine" (c'est comme ça qu'ils appelaient les chroniqueuses de l'époque) qui avait l'air de se demander s'il allait la cracher sa valda (la plupart des émissions étant en direct, je comprends le désarroi de la pauvre femme qui devait se demander si le "blanc" à l'antenne allait durer encore longtemps...).

Mon père a quitté Radio-Abidjan en même temps que la Côte d'Ivoire en 1965. Il en a ramené une médaille qui lui a été attribuée pour services rendus à l'administration ivoirienne.

Raymond, sérieux comme un pape, recevant la Médaille du Mérite
National Ivoirien, des mains d'Amadou Thiam, je crois, son ex-collègue, alors
ministre de l'information. A ses côtés, Jean Taverdon, déjà épinglé ou attendant
son tour de l'être. 





dimanche 22 septembre 2013

L'épopée de Radio-Abidjan (1)

En 1949, la première émission de radiodiffusion est réalisée à partir d'un émetteur côtier...

...analogue à celui-ci ? (émetteur de navire).

Selon la chronique, le gouverneur de l'époque, Laurent Péchoux, organisait ce jour-là une cérémonie. Un mécanicien aurait voulu lui faire une farce en transmettant cette cérémonie sur les ondes.

Naturellement, il ne s'agit pas là de l'acte de naissance officiel de Radio-Abidjan.

Les PTT

Mais cette expérience amusa quelques colons qui entreprirent de la prolonger en installant un émetteur TECHARD de 200 watts avec, dans la pièce à côté, un studio sommaire équipé de deux tourne-disques et d'un micro, le tout dans les locaux de la Poste qui, à cette époque, étaient situés avenue Treich-Laplène.

Plan de situation. La Poste était au bout de la flèche bleue.


Le bâtiment des PTT, où se trouvait la station primitive.


Cette station était une sorte de radio "pirate" ou clandestine, une sorte d'"amusement de blancs", comme le dit justement Aghi Bahi, destinée à un auditoire réduit composé essentiellement de colons et n'émettant pas plus de quinze minutes par jour.

Le palais du gouverneur

En 1950, l'émetteur gagne en puissance pour atteindre 1 kilowatt. Mais sa portée rester limitée à la région d'Abidjan. En même temps, le studio déménage dans les sous-sols du palais du gouverneur. Il reste, malgré tout, fort exigu. Mon père, qui l'a connu...et pratiqué, affirmait qu'il était impossible d'y faire jouer plus d'un ou deux musiciens, les autres devant rester derrière la porte ouverte. A ce propos, je ne sais pas quand Raymond s'est intégré dans l'aventure mais ce devait être fin 50 ou début 51. 

Situation du palais du gouverneur où se trouvaient le studio

Le palais.






Les jardins du palais





Le palais, mon père et une Peugeot 203 inconnue de moi

La porte donnant accès aux sous-sols ?


Le studio, son piano et son micro. A gauche, M. Soldevilla(?), au micro, Raymond Magniez.


Dans les locaux du palais ? Adrienne et Raymond vers 1951.


La SUITE par ici - CLIC

vendredi 20 septembre 2013

Abidjan Plateau 1957 - Métamorphose de la place Lapalud

Avant 1957, l'avenue Treich-Laplène montait jusqu'aux bâtiments administratifs.

Place Lapalud vue de la lagune. A droite, l'avenue Treich se prolonge
jusqu'en haut de la photo, au delà  de la poste et du boulevard Antonetti


Début 1957, les travaux commencent. L'avenue est coupée juste après le boulevard Antonetti, après l'ancienne poste.

Au premier plan, l'avenue Treich. Elle est désormais coupée après le
boulevard Antonetti. Sur l'espace vert, le tracé en arc de cercle de la future poste.
En face, la gare lagune de la RAN.


Après 57, le paysage a changé.

Lapalud à partir de 1957. J'ai dessiné le tracé "fantôme" du
tronçon manquant de l'avenue Treich-Laplène.


Résumons-nous

- La place est réorganisée autour d'un axe dominant qui n'est plus sud-est/nord-ouest (avenue Treich-Laplène) mais sud-nord (Boulevard Antonetti), dans le prolongement du pont Houphouet Boigny.


Avant -- L'avenue Treich-Laplène. Au droit de cet axe principal, l'axe gare-poste et toutes les avenues adjacentes.
Après -- la direction maîtresse est désormais celle du pont Houphouet et du boulevard Antonetti/de la République.

- Une nouvelle poste est construite, en arc de cercle. L'ancienne est détruite et remplacée par le bâtiment des Douanes.

Ancien plan de masse et première étape intermédiaire.
Photos 1 et 2. A gauche, avant 1957.  A droite, en 56 ou tout début 57, l'avenue Treich est coupée
pour laisser la place au chantier de la poste et des bâtiments annexes.

Légende de ces deux photos
bleu : Boulevard Clozel. A gauche, il s'interrompt au niveau des bâtiments administratifs.. J'ai dessiné son futur tracé en pointillés. A droite, il est tracé.
jaune : la nouvelle poste. A gauche, rien n'indique son emplacement futur. A droite, l'arc de cercle semble tracé.
rouge : les bâtiments derrière la nouvelle poste. A gauche, ils n'existent pas du tout. C'est un espace vert. A droite, ils sont déjà en construction. Le chantier occupe une surface qui couvre l'ancien espace vert, l'avenue Treich-Laplène et s'étend jusqu'au boulevard Antonetti/République. ==>






Deuxième étape intermédiaire et situation finale


Photos 3 et 4. A gauche, quelques semaines après la photo précédente. A droite, l'aspect final de la place en 1957.

bleu : sur la photo de droite, on voit très clairement la courbe terminale du boulevard Clozel, maintenant achevée.
jaune : à gauche, la nouvelle poste n'est toujours pas là. L'ensemble d'espaces verts est toujours présent, y compris le square Lapalud. A droite, tout a disparu.
rouge : à gauche comme à droite, les bâtiments derrière la (future) nouvelle poste sont terminés.

Entre les photos 3 et 4, viennent s'intercaler les deux photos suivantes sur lesquelles les deux postes, l'ancienne et la nouvelle sont présentes et où le bâtiment des Douanes (l'arc ce cercle symétrique de celui de la poste) n'est pas encore construit.

Vue aérienne. Au bout de la flèche rouge, l'ancienne poste, encore debout.



Image extraite de "Moi un noir" de Jean Rouch. Les deux personnages sont sur le
pont Houphouet Boigny encore en chantier. On voit parfaitement l'ancienne poste.
Manifestement, la photo précédente est contemporaine du tournage du film. (57).

- L'ancien pont flottant, autrement appelé "pont de Treichville" est remplacé, 70 mètres plus à l'est, par le pont Houphouet Boigny


1957. A gauche, le pont Houphouet en chantier,
à droite le pont flottant encore en service


57/58. Le pont Houphouet-Boigny est en service. Le pont flottant
commence à être démonté.

Quelques repères :
- l'ancienne et la nouvelle poste.

L'ancienne poste et, en haut de l'avenue Treich, les
bâtiments administratifs.
- les bâtiments administratifs, parce qu'ils étaient l'aboutissement de la perspective de l'avenue Treich-Laplène avant qu'elle ne soit amputée de sa deuxième moitié....

- la gare lagune de la Régie Abidjan-Niger (RAN).


AVANT

APRES

Et, pour terminer, une vidéo qui résume tout cela.





samedi 7 septembre 2013

Abidjan, janvier 1950 - novembre 1951 (2)


Cliquez sur les images pour les agrandir.

Vers mai 1951 - Pour un temps restaurateurs, mes parents se sont rapidement fait des amis.
 A côté de Raymond, Monsieur Sirot.  Je suis également  présent...dans le ventre de ma mère.

Que faire quand on se retrouve dans un nouveau pays avec peu ou pas d'argent et sans le moindre contact sur place ?

Quelle est la place d'un artiste de variétés et d'une musicienne dans une colonie française d'Afrique de l'ouest ?

La réponse tient à peu près en en trois mots : débrouille, expédients, galère.

Il n'est pas exagéré de dire que les premières années de Raymond et Adrienne en Côte d'Ivoire furent très difficiles. Je n'entrerai pas trop dans les détails pour la simple raison que je ne les connais pas. Ce que je sais c'est qu'ils ont habité Treichville, le quartier pauvre d'Abidjan où vivaient très peu de blancs. Le quartier riche, celui que fréquentaient les colons, était le Plateau, sur l'autre rive de la lagune Ebrié.


Pour assurer leur subsistance, Raymond et Adrienne ont monté au moins deux petites entreprises : un restaurant et une auto-école. Ensuite, mon père s'est investi dans le projet Radio-Abidjan. Mais c'est une autre histoire, qui mérite son propre article.

Le restaurant en question se situait probablement à Treichville. Il s'appelait "La Petite Auberge". Coïncidence, 17 ans plus tard, ils furent gérants d'un établissement du même nom dans les Yvelines. Si la Petite Auberge ne les a pas enrichis, elle leur aura au moins permis de créer des contacts avec la population d'Abidjan. Je parle de la population française, naturellement. Car il régnait, à cette époque, une ségrégation de fait, sinon de droit. Et si l'on cherchait à se faire une "situation" à Abidjan, il fallait, d'évidence, se lier à la "caste dominante". 

En effet, l'établissement pouvait parfois accueillir une clientèle assez nombreuse, si l'on en croit certaines photos.








La tenue d'un restaurant donnait à mes parents l'occasion de renouer avec leurs métiers d'origine.

Raymond, le fantaisiste-chansonnier.












Adrienne la pianiste-"drums"-accordéoniste

Leurs difficultés pécuniaires ne les empêchaient pas de se distraire.

A la plage - Cette photo est très abîmée mais elle a l'intérêt
de laisser deviner sa date et son lieu. En effet, on voit encore le wharf sur la droite,
signe que nous sommes avant 1951, avant la mise en service du port.. et sur
la partie orientale de la plage de Port-Bouet..


En brousse ? En tout cas, on s'y croit.





Halte dans les jardins...........

...du palais....

....du gouverneur. En arrière-plan, à l'ouest, la lagune Ebrié.



Le palais du gouverneur, qui laissera la place en 58 au palais présidentiel.

De l'auto-école, je ne sais pas grand chose, si ce n'est par la chronique familiale...quelques rares évocations par ma sœur.
J'ai toujours connu ma mère conduisant. Cela dit, je ne sais pas son permis datait d'avant son départ en Afrique ou bien de son séjour à Abidjan.


Adrienne était-elle élève dans l'école de Raymond ? C'est possible.




La toute première voiture que je j'aie connue, cinq plus tard, était une 4 CV
dans ce genre. Peut-être celle-ci ?


Ce véhicule-ci, par contre, je ne l'ai pas connu. Probablement emprunté à des amis.




Ces deux premières années se passent donc à créer un réseau de contacts, amicaux et/ou professionnels, un réflexe communautaire en somme, assez fréquent dans une société ségrégée.


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Fin 1951. Sur le pont du Général Leclerc, lors de sa visite
à Abidjan après la mise en service du port. Du blanc, du blanc, du blanc....:-)

Et, quand l'occasion se présentera, on n'oubliera pas de faire appel à leurs compétences. Raymond, quand il s'agira de mettre sur pied la première chaîne de radiodiffusion ivoirienne. Adrienne, comme pionnière de la toute première école de musique.

C'est, en effet, en février 1951, après quelques mois "d'échauffement" que démarreront officiellement les émissions de Radio-Abidjan. Une véritable aventure dont mon père sera partie prenante et qui fait l'objet d'un article individuel.